Rue de la Reine Blanche
- Mélanie
- 15 sept. 2015
- 3 min de lecture

Après une heure de train, une pause de quinze minutes s'offre à moi dans la gare de Rouen. Je connais cette gare depuis toute petite. Elle est le lieu de souvenirs avec papa et maman et notamment au mois d'octobre pour venir s'amuser à la Foire Saint Romain.
Cette période de l'année reste encore aujourd'hui pour Rouen et ses alentours, l'époque des barbes à papa, des auto-tamponneuses et des cris des enfants et des plus grands dans les manèges à sensations.
La gare est ainsi symbolique de l'arrivée des familles, venues des bords de mer normands, du Pays de Caux, du Pays de Bray ou de l'Eure. En ce mois de juin ensoleillé, on voit surtout des valises à roulettes et des tongs et pas les parapluies utiles à la Saint Romain.
Je profite de ces quelques minutes entre les deux trains pour m'acheter la revue Causette, revue féminine faussement féministe !
Mon téléphone sonne mais je ne réponds pas. Une fois assise dans le train, j'écoute le message. C'est Maddie qui me demande si ce soir je peux lui prêter mon Boa noir. Elle présente un nouveau show et veut des plumes autour du cou.
Je lui réponds par SMS qu'il n'y a pas de souci et lui dis à ce soir vers minuit.
Le retour en train jusqu'à Paris se fait dans le calme, musique dans les oreilles et lecture dans Causette de l'article "il était une fois les fesses"; ou comment cet attribut masculin et féminin réveille les désirs.
Arrivée à Saint Lazare, je m'engouffre dans le métro pour rejoindre mon petit chez moi. J'habite le treizième, à quelques mètres de mon école de mode. Le quartier où j'habite est très agréable. La rue de la Reine Blanche, situé près du métro des Gobelins, est devenue depuis quatre ans maintenant notre terrain de jeu avec Yasuke.
Près d'ici, ça grouille d'étudiants avec la fac de médecine et bien entendu à cause de la ville dans la ville avec l'immense site de La Pitié Salpétrière. Les soirées sont teintées des gyrophares hurlants des ambulances et des services d'urgence, ce qui crée une vie nocturne souvent agitée. C'est le quartier des blessures du corps et des bleus à l'âme avec la proximité de l'Hôpital Sainte Anne.
Quand le bruit devient pesant, à quelques centaines de mètres, il y a le jardin des Plantes et le Museum d'Histoire naturelle. Ici ce sont les oiseaux, les singes, les tigres qui nous accueillent et tous ceux qui peuplent la ménagerie.
Mon petit jardin secret se situe au numéro 27 de la rue Reine Blanche et plus précisément sous les combles au 8ème étage.
J'ai eu une chance folle de trouver cet appart et c'est grâce à Debbie qui l'a quitté lors de notre première année ensemble à l'Institut pour suivre son amour du moment, un certain Pierre. Qui, bien sur, l'a quitté six mois plus tard pour une rockeuse à deux balles qui se produisait dans les rades du coin.
Yasuke et moi vivons dans quarante mètres carrés répartis sur quatre pièces pour un loyer assez élevé mais mes activités nocturnes m'apportent suffisamment d'argent pour payer rubis sur l'ongle chaque mois mon propriétaire.
Certains diraient que c'est un peu le bazar chez nous mais ce qu'on aime avec Yasuke c'est vivre dans les fanfreluches qui trainent un peu partout et qu'on range vite fait dans les grands coffres en osier qui jalonnent l'appartement.
Les chats adorent l'osier. Ils peuvent y faire leurs griffes et s'y frotter pendant des heures. Petit, Yasuke, dormait dans son panier en osier mais rapidement les repas non allégés que je lui offre ont fait que le panier est devenu trop petit pour son gros ventre.
Ici tous les murs sont blancs mais tapissés de photos, d'affiches en lien avec la mode et plus spécifiquement la vieille lingerie. La pub des bas Filpas dans les années 50, quelques œuvre de Jean Patou, les corsages d'Isabeau de Bavière et la première guêpière dessinée par Marcel Rodas.
Mon appartement donne sur les toits et par la porte fenêtre, Yasuke peut aller et venir et faire le tour des toits parisiens du quartier donnant ici sur une petite cour intérieure avec un bac à sable et un toboggan.
Ici c'est le paradis des chats et Yasuke est un des rois du quartier. il doit manger six marques de croquettes différentes selon mes estimations en allant se faire câliner chez les voisins et les voisines.
Et en ce samedi après midi, de le retrouver là, étalé sur mon lit auprès de ma nuisette laissée hier, je suis comblée. la soirée va pouvoir commencer comme j'aime: d'abord un gros câlin à mon félin préféré et ensuite me préparer pour devenir cette Autre, moins timide et plus convaincante, sur la scène de théâtre que j'ai créée minutieusement.