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Gauthier, Rykiel, Saint Laurent et les autres …



Je suis étudiante à l’IFM depuis 5 ans maintenant. Au mois de novembre, si tout va bien, je serai diplômée.


L’IFM c’est l’Institut Français de la Mode situé au bord de la Seine, dans le 13ème arrondissement, à deux pas de la gare de Lyon. Il faut être honnête c’est pour les fils et les filles de bourges ou ceux qui ont contracté un gros prêt étudiant.

12 000 euros l’année, je vous laisse compter.


Je ne vous rappelle pas non plus comment j’arrive à payer les inscriptions. Les deux premières années ont été payées par papa et maman et depuis je me débrouille seule. Je leur ai fait croire que j’étais aidée par une maison de Haute Couture, via une bourse et c’est passé comme ça, sans plus de questions.


Même si mon activité nocturne s’est intensifiée depuis un an, j’avais déjà sévi à

plusieurs reprises dans quelques clubs sur le territoire normand. Dès que j’ai eu mon permis, j’ai compris que je pouvais décider de mes emplois du temps.


On est douze dans ma promo cette année et on est neuf à se connaitre depuis cinq ans, à avoir suivi le même cursus. Je dirais pas qu’on est tous super copains mais disons qu’on forme un bon groupe, surtout quand il s’agit de faire front devant certains profs.


Assurément au prix où on paye, on aura notre diplôme en novembre. Ce qui compte après c’est le classement final dans la promo.


Ici on voit passer les plus grands. Ma plus belle rencontre c’est celle avec Sonia Rykiel. Elle est avec Chantal Thomas mes deux contemporaines préférées. Bien évidemment, au même plan que Jean Paul Gauthier, notre maitre à tous.

Même si tout est un peu biaisé par le fric ici, il n’en reste pas moins que je bosse beaucoup pour mes études. Déjà, ça me passionne donc je fais tout cela par plaisir. Et puis, j’ai appris énormément de choses pendant toutes ces années.


On peut considérer la mode comme futile, mais je pense tout le contraire. La mode est le reflet d’une société est tout particulièrement des relations qui s’énervent dans une société spécifique.


Quand dans un pays on n’embauche pas un homme ne portant pas de cravate à un entretien ou que l’on juge une femme sur une jupe trop courte, on peut se dire que les vêtements jouent un rôle. De la même façon, dans d’autres cultures, en d’autres temps, les saris, les casaquins, les pèlerines, les boubous, les hakamas, les sarafane, les Ta’ovala et autres sont des attributs vestimentaires de classes et de conditions sociales.


Dans la rue, j’observe au quotidien ce que portent mes concitoyens surtout dans une ville comme Paris.


Dans ma famille on n’a jamais été très mode ; à quoi ça sert à Ry d’avoir une robe griffée de chez Biscotte ? A rien ! Personne ne nous voit quand on habite un village. On doit s’intégrer dans ce village bucolique normand sans détonner dans ce paysage.

Quand on va à Rouen, la capitale normande, c’est un événement, on s’habille, on se prépare, on réfléchit à ce qu’on va faire parce qu’on ne va pas revenir de sitôt. C’est un peu comme une visite touristique sauf qu’on connait ce territoire ! On n’oublie pas de passer chez le meilleur fromager de la ville pour acheter le fameux camembert au Calvados et on se régale par avance de se délecter devant les macarons de la Mère Auzoux.


C’est parce que j’ai quitté ma province, comme disent les parisiens, que je me rends compte à quel point cela représentait quelque chose pour nous quand j’étais petite. Quitter notre campagne pour une après-midi et aller en ville était, avec le recul, un petit événement.


C’est à Rouen que dès petite je me baladais dans les allées du magasin du Printemps, au pied de la cathédrale de Rouen.


Ici dans ce décor aseptisé, la mode parisienne arrivait jusqu’à nous. J’étais fascinée par la beauté des mannequins en plastique qui portaient les robes de créateurs. J’aimais aussi sentir sous mes petits doigts la soie des cravates homme qui de loin, dans une présentation impeccable, donnait l’impression d’une mosaïque de couleurs telle une fresque que l’on pourrait voir dans une belle église.


Je n’ai jamais rien réclamé à mes parents. La seule immersion pour moi dans ce monde de luxe et de mode me fascinait. A 12 ans, j’ai demandé à maman si elle pouvait m’apprendre à coudre et j’ai commencé à dessiner mes premiers patrons. D’abord pour mes vieilles poupées puis ensuite pour maman. Je me souviens comme si c’était hier du premier corsage brodé, blanc, avec de petits boutons nacrés que je lui ai offert pour son anniversaire.


J’allais acheter le tissu avec la mère d’Elisa qui nous emmenait toutes les deux chez Toto, en plein centre-ville pour que l’on puisse choisir notre tissu. C’était notre petit moment à nous.


La mère d’Elisa était charmante. Pauline avait cette bonté qu’ont les femmes qui aiment leur enfant et qui sont dévouées à leur mari.


Je crains qu’elle ait été trop dévouée avec son mari et son aveuglement l’a conduite à cette situation aujourd’hui. Elle est entièrement responsable du drame que nous avons connus et aujourd’hui elle paye très cher ce qu’elle aurait pu et dû éviter.

A cette époque-là, je ne voyais pas du tout les choses de la même façon. L ‘insouciance des enfants fait que nous sommes loin et parfois protégés des réalités des adultes. C’est ce que je croyais pour Elisa et moi et je me suis trompée.


Pauline était une mère aimante et je crois qu’elle m’aimait bien aussi. Elle nous gâtait et lorsqu’elle nous emmenait nous promener en ville et acheter nos tissus, elle savait qu’elle nous comblait.


Je n’ai jamais pu lui pardonner ce qu’elle n’a pas vu. A l’autre bout de la France maintenant, elle souffre au quotidien d’avoir perdu sa fille.


Mais je retrouverai Pauline sous peu. Ce sera notre dernière rencontre, notre dernier échange et son dernier soupir.


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