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Son silence assourdissant

  • Mélanie
  • 2 oct. 2015
  • 6 min de lecture

Six robes, deux paires de chaussures, quatre paires de boucles d’oreille, deux Calzone sans champignon, deux glaces au chocolat et un paquet de crocos Haribo ; voilà le bilan de notre journée.

On rentre vers 18 heures, éreintées d’avoir autant marché et rigolé. Emma est une petite fille très joyeuse, un brin mélancolique parfois, mais souvent heureuse. Elle vit dans une famille aimante et elle le sait car elle observe le monde. Elle sait que papa et maman la chouchoute et la cajole pour mieux la protéger aux yeux du monde.

Elle m’a raconté tout au long de la journée les joyeuses aventures d’une bande d’enfants-ados de 12 ans qui rentrent en sixième avec des périodes de bonheur et des petits malheurs. Que d’attente pour aller au collège à la rentrée ! Que d’envies d’entrer dans cette catégorie des grands ! Que d’appréhensions pour Emma de se faire des copines et des copains sans qu’ils ne la jugent trop petite ou trop bébé !

Il fait 28 degrés au thermomètre installé dans ma chambre. Emma prend sa douche avant de diner car elle veut enfiler sa robe achetée aujourd’hui pour faire voir à papa et à maman. Je suis allongée sur mon lit, en culotte et le ventilateur caresse mes cheveux longs sur le haut de ma poitrine. Je regarde mon compte Facebook et découvre un message privé d’Axel. Il sait que comme tous les ans je suis dans le Sud pour les vacances et il me propose de passer quelques jours à Barcelone, où il vit depuis un an maintenant.

Je ne lui réponds pas tout de suite et me donne le temps de la réflexion pour accepter cette proposition que je sais d’ores et déjà indécente.

J’ai un autre message de Maddie qui m’a trouvé un bon plan dans une grosse boite de nuit dans la région toulousaine. Je voulais absolument descendre là-bas dans les semaines à venir, j’ai une nouvelle mission à remplir et mon Wakizashi se languit de nouvelles gouttelettes de sang. Le premier weekend d’août sera mémorable.

En attendant j’enfile un short et un débardeur pour rejoindre la table du diner. Yasuke semble être en manque de câlins et viens sur mes genoux. De sentir cette boule de poils contre mon ventre m’apaise et me réconforte.

Le carpaccio de saumon a été un régal et la tarte au citron faite par maman a contenté tout le monde. Emma a raconté à papa et maman tout notre périple n’omettant pas de raconter quand je me suis étalée dans le magasin de chaussures en essayant des talons aiguilles. Maman s’est sentie obligée de rajouter que je n’étais décidément pas féminine.

A la fin du repas, dans le jardin, nous sommes tous les quatre à faire une partie de Monopoly quand Yasuke dort dans le transat à côté de moi, acceptant volontiers une petite caresse de temps en temps.

Comme toute partie de Monopoly qui se respecte, on n’en voit pas la fin. Rapidement on en a marre et après que papa ait été trois fois en prison on décide d’arrêter et de partager le paquet de crocos Haribo acheté cette après midi.

Il est près de minuit quand Emma nous dit bonne nuit. Vêtue de sa robe noire toute neuve et de ses ballerines roses, elle nous embrasse tous les trois en nous serrant très fort. Sa fine taille et ses petits seins en formation donnent à cette robe noire une silhouette délicieuse qui sans aucun doute augure la naissance prochaine d’une jeune et jolie femme qui fera des ravages. Je crois que papa le sait déjà.

Maman me propose de regarder l’ensemble de ses nouvelles créations. Elle s’est prise d’affection pour la fille de ma cousine qui est championne de danse sportive et lui crée des robes que la petite porte pour ses galas. Maman s’est donnée l’objectif de les dessiner et de les coudre. Elle va donc me chercher toutes ses créations et on discoure sur les couleurs, les formes, les rubans etc. Papa feuillette de son côté le dernier numéro de Décomaison avant de nous embrasser à son tour pour rejoindre les bras de Morphée.

Rapidement je profite que l’on soit toutes les deux, que la nuit soit tombée et que le calme règne, pour aborder avec elle la dispute avec papa la semaine dernière. Elle se braque d’abord, garde le silence puis me confie :

« Emma n’aurait pas dû t’en parler et encore t’écrire à ce propos. Ça arrive que papa et moi on se dispute. Il n y a rien de grave.

  • Ce n’est pas grave que vous vous vous disputiez. Trente-huit ans de vie commune ça laisse des traces. Ça c’est normal. Le problème c’est la raison de cette dispute. Pourquoi tu as fait ça ?

  • De quoi tu parles ? me dit-elle, le regard porté vers le fond du jardin

  • Tu sais très bien de quoi je parle. Tu comptais m’en parler quand ?

  • Je n’ai rien à te dire, Lisa. Papa et moi on s’est disputés et rien de plus. Je suis étonnée qu’Emma t’en ait parlé et t’ai écrit à ce propos.

  • Etonnée ? c’est ce qui te caractérise depuis des années. L’étonnement devant des évidences ! »

Maman se lève comme pour ranger les différents modèles de robes étalées sur la table mais d’une main ferme je la retiens et la fais rasseoir sur sa chaise de jardin.

« Tu vas arrêter ça immédiatement maman ! C’est la première et la dernière fois que je te le dis ! il est hors de question que tu te comportes encore comme une irresponsable et en plus avec Emma.

  • Non mais tu te prends pour qui Lisa ? Ta sœur est malheureuse ? elle manque de quelque chose ? En quoi je suis irresponsable ? qu’est-ce que ça veut dire ça ?

  • Elle a eu peur de toi la semaine dernière. Tu l’as plaquée contre le mur dans le couloir et lui as hurlé dessus. Tu ne recommenceras jamais. »

Maman prend sa tête entre ses mains puis relève la tête et me dit :

« Je n’ai jamais fait de mal à ta sœur. Elle était là où il ne fallait pas et j’en suis désolée. Mais je lui ai dit d’aller dans sa chambre.

  • C’est ça ta réponse ? elle était là où il ne fallait pas ?! Tu ne changerais donc jamais tu es désespérante. Tu ne vaux pas mieux que Pauline.

  • Tais-toi, je t’interdis de dire ça !

  • Ne me dis surtout pas ce que je dois faire ou ce que je dois dire. Surtout pas toi. Tu as toujours été incapable de dire quoi que ce soit. Tu sais être muette quand ça t’arrange. Alors moi je parle, que cela te plaise ou pas. Et je te dis que tu as dépassé les bornes. Moi je t’interdis de faire du mal à Emma comme tu m’as fait du mal.

  • Tais-toi Lisa ! Tais toi ! me dit-elle à voix basse, refusant toujours de me regarder droit dans les yeux.

  • Qu’est ce qui t’as pris la semaine dernière ? pourquoi avoir jeté les affaires d’Elisa. Explique moi !

  • Tu sais très bien pourquoi. Ça fait dix ans qu’à cause de toi on vit dans les souvenirs et la culpabilité. Tu nous en veux à papa et à moi.

  • Non rien qu’à toi

  • Arrête ne dis pas ça. Tu n’as pas le droit de penser ça de moi. Tu te rends compte de ce que tu me dis ? De ce que tu me fais endurer ?

  • Arrête ne me joue pas la femme et la mère éplorées. »

Un silence puis elle hurle :

« j’en ai marre Lisa. J’en ai marre de toi. J’en ai marre d’Elisa. J’en ai marre que tu me crois coupable, que tu m’accuses. Je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais rien dire. Elisa n’est pas morte à cause de moi ! »

Calmement, doucement, je lui réponds :

« Tu savais tout. Si tu ne te sentais pas coupable tu ne réagirais pas comme ça. Tu n’aurais pas jeté son vélo contre le mur et jeté ses affaires. J’ai tout voulu conserver ici et à la maison pour que tu te rappelles chaque jour du mal que tu lui as fait, que tu m’as fait, que tu me fais ».

Elle se lève avec rage et se dirige vers la maison. Elle sanglote.

« Maman ?

  • Quoi, me répond-elle sans tourner la tête

  • Je ne te pardonnerai jamais. »


 
 
 
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