Entrez sur ma scène !
- Mélanie
- 3 oct. 2015
- 4 min de lecture

Nous sommes restées presque cinq jours sans vraiment s’adresser la parole avec maman. Papa et Emma se sont bien rendu compte qu’il s’était passé quelque chose mais n’ont pas posé de questions. Pendant cette dernière semaine de vacances, on a fêté le quatorze juillet sur un bateau en plein cœur de Sète et on a été tous les jours à la plage. Maman s’est montrée très aimante avec Emma comme pour me prouver quelque chose. Je sais qu’elle aime sa fille. Là n’est pas la question. Ce qui m’importe c’est qu’elle n’oublie pas ses erreurs pour ne pas les reproduire avec Emma ou avec d’autres.
En ce jeudi, je suis installée sur le transat dans le jardin, jetant un coup d’œil à Yasuke qui semble avoir l’esprit joueur cette après-midi. Je lui lance quelques fils de couture qui trainent sur la table et il s’amuse à s’enrouler dedans et à sortir ses griffes.
Comme chaque mois, je décide d’écrire à Pauline. Depuis un an maintenant je m’applique à envoyer une lettre à Pauline pour qu’elle sache que je suis là et que je ne l’oublie pas.
Elle pense que je lui écris pour prendre de ses nouvelles. C’est ne pas me connaitre que de penser ça. Je veux savoir où elle est, ce qu’elle fait et surtout si elle est encore vivante.
« Ma chère Pauline,
J’espère que vous allez bien. Votre dernière lettre m’a rassuré sur votre état de santé et je suis heureuse que vous puissiez désormais sortir tous les weekends de la clinique pour partager des moments en famille chez votre sœur. Votre médecin a semble-t-il trouvé le traitement qui vous convient. Je vous écris de Vinassan où je passe quelques semaines de vacances avec papa, maman et Emma. Je reprends les cours dans un mois environ et j’espère avoir mon diplôme d’ici la fin de l’année.
Avant de repartir pour les cours, j’aimerais beaucoup vous revoir. Cela fait deux ans que nous ne nous sommes pas vues et cela me ferait plaisir de passer un petit moment avec vous.
Je me rends à Toulouse voir une amie le premier week end d’Août et je pensais venir vous voir le dimanche pour aller nous promener et peut-être déjeuner ensemble. Je pourrais passer vous chercher chez votre sœur et vous ramener le soir à la clinique.
J’attends avec impatience votre lettre. Je vous embrasse très fort.
Prenez soin de vous.
Votre Lisa. »
Soudain une voix douce,
« Tu fais quoi Lisa ?
J’écris à une amie de la fac. Et toi tu faisais quoi dans ta chambre ?
Pourquoi tu ne m’écris pas à moi ? Pourquoi tu ne réponds pas à ma lettre ?
Viens t’asseoir. »
Elle s’affale sur la balancelle ce qui réveille Yasuke qui venait de s’endormir après sa séance de jeu de quelques minutes qui l’avait éreinté !
« Ecoute Emma. Ce n’est pas que je ne veuille pas te répondre. Mais il me faut du temps pour bien réfléchir à ce que je vais t’écrire car cela aura des conséquences. Je ne t’ai pas oublié mon ange. Promis !
Je te crois. Je vais encore attendre.
Dis-moi ma puce. Et si on faisait une surprise à papa et maman pour ma dernière soirée avec vous ?
Oh oui !!!! Et quoi ? On fait une fête ?
J’ai une idée. Allez va enfiler tes chaussures on va en ville. On aller faire quelques courses.
Cool ! Je suis trop contente ! »
Perdues toutes les deux dans l’immense Carrefour de la zone narbonnaise, on pousse notre Caddie toutes les deux en essayant de penser ne rien oublier.
Une heure après nous sommes revenues à la maison et on profite du fait que les parents soient encore en train de marcher dans le massif de la Clape pour tout préparer comme il faut.
Maman a exprimé un grand « whaou » quand elle a passé le portail et a découvert le jardin avec tous ces ballons et ces fanions qu’on a mis pour décorer. Et on s’est débrouillé pour mettre la chaine Hifi dans le jardin grâce à une immense rallonge électrique.
Accueillis au son de la voix chaude et jazzy d’Henri Salvador et de son album « Jardin d’hiver ». Papa semble avoir les larmes aux yeux.
« Je voudrais du soleil vert.
Des dentelles et des théières
Des photos de bord de mer
Dans mon jardin d’hiver. »
Eux, habillés en tenue Quechua de la tête aux pieds, short, débardeur et grosses chaussures montantes et nous en robes scintillantes noires avec ceinture large rouge à pois et petit foulard autour du cou assortis. Toutes les deux habillées pareil, Emma en rêvait.
Les guirlandes lumineuses donnent au jardin un air de guinguette. La table est mise et les bougies parfumées scintillent. De la cuisine se dégage l’odeur des épices.
Une demi-heure plus tard, nous partageons les tagliatelles aux coquilles Saint Jacques safranées que nous avons cuisinées toutes les deux. La soirée se déroule sans encombre, avec douceur et rires. Maman et moi nous jouons la plus facile des pièces de théâtre, qui consiste à faire semblant que tout va bien. Au final, la seule pièce de théâtre que nous jouons tous dans notre vie quotidienne.
La fin de la soirée est sublimée par la voix d’Elvis qui nous entraine et nous fait danser dans le jardin tous les quatre.
C’est sur cette image d’une famille heureuse que seule dans ma chambre, je prends mon carnet où je note tous les scenarii de crimes. Je suis très minutieuse et écris pas à pas tout ce qu’il va se passer afin de ne pas faire d’erreur. Bientôt deux nouveaux chapitres vont s’écrire et je crains qu’il y ait une troisième victime. J’hésitais à m’occuper d’elle mais je pense qu’elle va être sur ma funeste liste. Ce sera la plus dure à tuer. J’ai quelques sentiments pour elle. Elle m’a portée pendant neuf mois ……