Se lier et se délier
- Mélanie
- 5 oct. 2015
- 5 min de lecture

La nuit au Catwalk a été incroyable. On s’est couchés vers huit heures du matin après avoir consommé un peu d’alcool et beaucoup de sexe. On s’endort main dans la main, encore habillés, juste déchaussés dans le lit d’Axel.
A 16 heures, le soleil chatoyant et illuminant la pièce nous réveille doucement. Axel n’a pas l’habitude de faire des courses et on sort une heure plus tard prendre notre petit déjeuner dans un café tout prêt.
Cette nuit, le DJ Zabaleta a été excellent et on a écumé les pistes de danse de la boite. Axel adore danser et j’adore l’accompagner. Vers trois heures du matin, les danseuses sexy qui se dandinaient depuis quelques heures déjà autour de leur barre de pole dance, ont lancé des centaines de cadeaux et de préservatifs dans la foule et nous ont arrosés de mousse. La boite a alors été plongée dans une immense écume qui collait à nos peaux déjà mouillés par la sueur et la fièvre de l’alcool.
Nul besoin d’ajouter que dans ce paysage d’immense salle de bain, les corps se rapprochent, se rejoignent et s’étreignent. La libéralisation du sexe ne passe pas que par Internet et s’invite aussi dans la réalité des soirées chaudes de Barcelone. Les jeunes viennent chercher ici le plaisir de transgresser les règles et les morales bien pensantes, préservatifs dans la poche des jeans et des consciences. Le sexe n’est aujourd’hui que protection de soi-même, qu’un mélange de peur et de plaisir. Le Sida est passé par là il y a quelques années déjà.
On ne s’est pas beaucoup parlé encore cette nuit. La musique avoisinent les cent décibels ce qui n’est pas très propice à la discussion. Au petit matin, enfin plutôt notre petit matin, puisqu’il est plus de 17h, on engage une conversation banale sur nos deux familles respectives, lui expliquant notamment combien Emma grandit et me manque souvent.
On décide de passer cette dernière soirée beaucoup plus calmement que la précédente et d’aller manger dans un petit resto qu’on affectionne particulièrement, Dos Palillos.
On a réservé pour 22 heures et notre table est prête en arrivant. Ce restaurant est très prisé et se situe sur la place Catalunya. Le chef Albert Raurich s’est fait une solide réputation le métier. Il sait allier à merveille la cuisine traditionnelle catalane et les mets asiatiques ce qui donne à ses créations une saveur innovante et délicieuse à souhait.
Axel et moi avons le Japon comme passion commune. Et dans ce restaurant nous retrouvons le charme, le romantisme et la tradition du Japon d’antan.
On se laisse tenter tous les deux par le Burger à la japonaise avec ses fameux Gyoza à la viande, patatas fritas en accompagnement. La soirée est calme et sérieuse, nous interrogeant l’un l’autre sur cette nouvelle période de vie après notre diplôme, avec nos craintes et nos peurs. Notamment celles de ne pas trouver le job qu’on veut, dans la maison de Haute Couture qu’on veut et qui nous fait rêver.
Je lui donne l’illusion que je pense à mon avenir, que je pense à un après qui me permette de vivre cette vie qu’il aimerait que je partage avec lui. Mais je sais qu’il est déjà trop tard pour moi, que les mois à venir seront assombris et que ma fuite en avant va arriver à son terme.
Je l’écoute attentivement tout en pensant à nous deux. Axel est un être merveilleux et l’homme que j’aurais aimé rêvé d’avoir pour la vie. Dès le début de notre relation, j’ai su combien mon amour pour lui pourrait nuire à ma mission. J’aimerais rester avec lui, me marier avec lui et vivre paisiblement à ses côtés.
Il est un des rares avec qui je ne fais pas semblant, où je me donne tout entière, où je ne feins pas mes rires, mes caresses et mes sentiments. Il est dans ma pièce de théâtre un acteur essentiel et celui à qui je donne une place particulière, celui qui est toujours là sans avoir le premier rôle. Bien sûr, il ne connait rien de mes pulsions meurtrières et ne pourrait jamais soupçonner combien j’aime l’odeur du sang frais qui effleure mon petit sabre japonais, quand ma vengeance s’abat sur les brebis égarées.
Mais il est le seul à savoir tout le reste, à savoir ce qui s’est passé pour Elisa, cette détresse de l’avoir perdue, cette peur de ne plus pouvoir avancer, cette envie de partir pour aller la rejoindre. Il sait mes endroits préférés, Giverny, Tokyo, la maison de la culture du Japon à Paris, Vinassan et bien sûr Etretat, le lieu des amours et de la beauté du monde. Nous avons partagé des moments tendres, aimants et insouciants dans chacun de ses endroits.
Axel ne mérite pas que je lui mente, que je lui fasse du mal, de voir mon vrai visage. Je l’ai encouragé à partir à Barcelone pour cette raison, parce que son éloignement me permet aussi de ne pas me fragiliser et de le protéger de ma folie meurtrière.
Cette soirée se finit comme je l’avais espéré, comme je l’ai rêvé sur le chemin aller. La chambre plongée dans le noir, illuminée seulement par les néons de la ville, sera notre lieu de plaisir pour la nuit. Nous avons très vite été attirés tous les deux par l’amour au-delà du raisonnable. Il aime à ce que je lui fasse mal et j’aime qu’il fasse de même. Il a gardé dans le tiroir de sa chambre les accessoires que nous utilisions souvent tous les deux. C’est donc après que j’ai enfilé mes bas, porte-jarretelles et talons aiguilles qu’il m’attache au lit pour mieux me faire fondre de plaisir.
Je le désire tant que je pense qu’en ces moments je ne suis pas la même, je ne suis plus moi-même et me laisse bercer par le doux son de sa voix et par les caresses du fouet sur le bas de mon dos. Inutile pour nous de regarder quelque film que ce soit, nous avons une imagination débordante pour nous laisser aller aux mille fantasmes que nous avons. Les fesses rougies, les épaules tendues par les liens en cuir qui m’unissent au lit, ma jouissance est extrême dès qu’il est en moi. Même quand il quitte la pièce pour aller fumer sa cigarette et me laisse seule, je jouis en silence. Il revient juste pour me faire croquer dans une pêche bien fraiche sans que je puisse essuyer le jus qui coule au bord de mes lèvres. C’est intensément qu’il passe sa langue sur cette semence naturelle qui s’échappe de mes lèvres et qui là-encore me procure autant de plaisir que le sang qui coule sur mon arme froide quand j’égorge mes victimes.
Axel sait où poser ses mains pour que mes seins se redressent ; il sait où caresser mon corps jusque dans ses endroits les plus intimes pour provoquer les gémissements les plus jouissifs. Il ne me parle pas beaucoup sauf pour me dire qu’il m’aime et qu’il me désire encore plus fort, plus brutalement. Je ne dis rien et apprécie simplement, docilement toutes ses envies et ses fantasmes les plus charnels. Je m’évade. Rarement dans ma vie, ce n’est plus moi la proie ; c’est lui qui me croque, qui plante ses doigts dans ma peau comme pour me ferrer pour que je ne m’échappe plus. Il est mon loup, je ne suis qu’une docile brebis prête à être croquée des pieds à la tête ; une brebis consentante qui remue ses fesses comme pour mieux qu’elles soient martyrisées. La douleur n’est plus souffrance, elle est plaisir extrême.
Le lendemain à 13H au moment de reprendre la route, il me dira sur le pas de la porte :
« Lisa, pourquoi on s’est quittés ?
Pourquoi je t’ai quitté, tu veux dire.
Oui pourquoi tu m’as quitté ?
Parce que je t’aime. Parce que je n’aime que toi. »