Fredaine et incartade
- Mélanie
- 7 nov. 2015
- 7 min de lecture

La soirée ne s’est pas passée comme prévue… Gilbert y a perdu la vie…. Mais il aura eu une belle mort. Mourir dans un soupir extatique, c’est le pied non ? Je n’accepte pas qu’un salopard de son espèce puisse penser deux secondes qu’il va pouvoir me baiser moi. Pas moi, pas celle qui fend de son arme tranchante la gorge de ceux qui ne respectent ni les femmes ni les enfants. Il nous avait promis 1200 euros chacune.
J’ai eu ma somme mais Maddie seulement la moitié. Gilbert, le fameux taulier lui a reproché de ne pas avoir voulu faire un truc à quatre avec les trois tarés qui lui avaient déjà fait du mal il y a quelques mois. Elle a supplié Gilbert pendant la soirée de ne pas l’envoyer avec ces quatre mecs. Finalement il lui a dit d’accord mais par contre elle n’aurait que la moitié de la somme convenue. Maddie a préféré se protéger et ne pas sortir avec des sévices de cette soirée mais elle y a perdu 600 euros.
Gilbert croit qu’ici c’est comme en Afrique avec les filles, qu’il n y a pas de règle, pas de justice et encore moins d’un minimum de respect. On n’est pas des putes qui font le trottoir. Certaines d’entre nous le font mais elles savent à quoi s’en tenir et c’est toujours la dernière des solutions. Eh oui même chez les putes comme dans les grands groupes, il y a une hiérarchie ….
Sur une soirée comme celle-là, il doit se faire au moins 20 000 euros avec la bouteille de champagne à 300 euros et l’entrée à 150 euros. Et ici il y a tout le gratin lyonnais donc les bouteilles tournent souvent ; l’argent n’est pas leur problème. Je sais bien qu’on fait un boulot où on est traité comme des moins que rien mais par contre on ne doit pas mériter de se faire tabasser ou humilier. Le client c’est le client. Mais ce salopard de Gilbert il s’est payé sa maison sur la côte d’Azur grâce à des centaines de culs qui ont défilé dans son bouge. Donc il peut au moins nous donner ce qu’il nous doit et nous protéger un minimum dans son bar à putes.
Dès que Maddie me confie dans les toilettes qu’elle s’est encore fait avoir par Gilbert et qu’il lui manque du fric, mon sang ne fait qu’un tour. C’est pendant que je me remaquille que je prends la décision de venger Maddie. La soirée se poursuit sans souci et même en pleine action avec les clients, dans les différentes pièces de la boite, je peaufine dans ma tête le scénario des heures suivantes.
Je prends le soin de voir les derniers clients partir et de dire à Maddie qu’elle peut rentrer sans moi. Sa soirée a été plus éprouvante que moi. Je vais me débrouiller pour rentrer.
Le club est calme maintenant. Je demande à Gilbert s’il veut bien me payer encore un verre avant que je parte. Je prétexte le besoin de lui parler d’un projet sur Paris. Il est 5H46 à ma montre. On salue le barman qui a fini son service et rentre lui aussi commencer sa nuit.
Je suis assise sur un tabouret bar, accoudée au bar et il me prépare un dernier mojito. J’invente donc un projet d’ouverture de bar avec un copain à moi à Paris et lui demande des conseils. Bien entendu, il se pose comme mon sauveur et m’explique qu’il peut m’aider à monter ma petite affaire avec quelques milliers d’euros qui lui reviendraient pour retour sur investissement. Je lui demande si on peut faire le tour de son club pour qu’il m’explique les différents équipements dont j’ai besoin pour faire de mon club un endroit de plaisir pour tous.
Nous voilà donc tous deux en train de passer d’une pièce à l’autre pour évaluer les besoins d’un potentiel projet. J’ai pris le soin de passer dans les vestiaires et d’enfiler une nouvelle paire de bas, une jupe courte mais pas trop et un petit chemisier. La tueuse qui sommeille en moi n’a pas oublié de se munir de ses gants en satin protégeant mes mains jusqu’aux coudes et me permettant de ne pas laisser d’empreintes.
Lors de mon voyage au Japon j’ai appris énormément de choses dont une qui fait rêver tant de voyageurs, à savoir goûter le fameux poisson tueur, le fugu. Ce poisson appelé aussi poisson-globe ou poisson-lune est considéré comme le poisson le plus mortel du monde. En effet, comme m’avait expliqué Axel quand on était là-bas, le foie et les ovaires de ce poisson contiennent un poison plus mortel que le cyanure. A l’époque je n’avais aucune idée qu’un jour j’aurais besoin d’utiliser quelques grammes de ce liquide que je gardais précieusement dans mon congélateur … Mais il faut croire que je savais déjà au fond de moi qu’il se passerait quelque chose un jour.
Dans mon sac, je garde toujours une fiole de Belladonne et une autre de liquide de Fugu au cas où. Et j’ai appris que c’est par une simple injection que le poison passe dans le sang avec rapidité et efficacité … j’ai donc toujours une petite pochette avec deux seringues prêtes à l’emploi.
J’ai glissé l’une d’entre elles pleine de liquide de fugu dans la jarretière en dentelle de mon bas gauche, comme Barbara Carrera dans le fameux James Bond, « Jamais plus Jamais ». Le moment venu, comme elle, je saurais l’utiliser.
J’ai proposé à Gilbert une petite gâterie avant de se quitter. Connaissant sa lubricité, il n’a pas été difficile à convaincre. C’est ainsi qu’assise sur lui, les yeux dans les yeux, alors qu’il levait la tête vers le ciel pour mieux apprécier mes va-et-vient, j’ai attrapé délicatement ma seringue et qu’après une toute petite pression pour enlever la bulle d’air, je lui ai enfoncé dans le cœur, lui ayant déboutonné la chemise quelques minutes plus tôt.
J’ai adoré ce moment où moi jouissant entre mes cuisses, il a senti ce petit picotement au niveau de la poitrine. J’ai vu son visage hésiter entre surprise et plaisir, entre désir et terreur. Il a porté sa main à son cœur sentant que celui-ci s’emballait. Il a eu le temps de voir ma seringue et de comprendre.
Je ne voulais pas partir sans m’assurer qu’il n’était pas définitivement mort. Je me suis donc assise à côté de lui, et en fumant une cigarette, je l’ai regardé agoniser jusqu’à le voir s’affaler sur le canapé. J’ai pris son pouls, tel que je l’ai appris sur une vidéo de Youtube (c’est fou tout ce que qu’on y trouve comme vidéos pour apprendre tout ou n’importe quoi). C’est bon ! Allez hop un salopard de moins !
C’est ce que je croyais…. Car au moment où dos à lui je remettais ma petite culotte, il a trouvé encore des forces pour me sauter dessus et s’agripper à ma jupe. Je me suis retournée et me suis débattue comme une folle mais malgré les 200 milligrammes de poison recueillis dans le fugu mortel qui filait entre ses veines, il était doté d’une sacré force et il a réussi à me tirer vers le sol et à me maintenir avec sa poigne. Il hurlait « Espère de petite salope. Tu croyais m’avoir hein ? ». J’étais paniquée mais j’ai vite retrouvé mes esprits et ai pris une de mes chaussures à talon pointus et aiguisés pour le ruer de coup au visage et lui percer l’œil droit.
J’étais dans un tel état second, envahie par la peur et la haine, que je ne sais combien de fois je l’ai frappé au visage. Peut-être dix, peut être trente … en tout cas assez pour que ses lèvres, ses pommettes, son front, son nez pissent le sang.
C’était horrible. Il y avait du sang partout mais au bout de quelques secondes qui m’ont paru être des heures il est resté cloué au sol, gisant là dans une mare rouge vif. Je suis restée de longues minutes assises par terre, regardant la scène comme si je n’étais pas actrice mais spectatrice passive. Je me souviens avoir pleuré, la tête entre mes mains avec du sang coulant sur mes vêtements.
J’étais horrifiée. Je n’ai jamais subi de combat. J’ai toujours bien préparé mes meurtres et quand j’ai su que je perdais la maitrise j’ai renoncé. Mais là … comment ai-je pu le tuer avec aussi peu d’intelligence, sans maitrise, me laissant aller à ma haine animale et bestiale. Cela ne me ressemble pas du tout. J’aime les choses préparées, pensées, faites avec clairvoyance. Et me voilà quoi… une simple femme en détresse avec un talon aiguille entre les mains à s’acharner sur un salaud.
Complètement apeurée, démunie, tremblante, j’ai dû malgré tout refaire un tour de toute la boite pour vérifier que je n’avais laissé aucune trace de mon passage. J’ai tout ramassé dans la panique vérifiant comme une folle qu’à chaque fois mes doigts soient bien couverts par mes gants. J’ai pris le verre, la paille, j’ai essuyé le bar. J’ai récupéré ma chaussure pleine de sang au niveau de l’aiguille tueuse. Aussi vite que je pouvais j’ai enfilé mon jean, un pull et j’ai mis toute ma tenue que j’avais il y a encore quelques minutes dans un sac plastique.
Je suis vite partie, me retournant une dernière fois pour m’assurer que je n’avais rien oublié.
Dans les rues lyonnaises, je croisais alors les premiers travailleurs du samedi matin quand j’ai regagné vers 8 heures ma chambre à l’hôtel près de la Gare Lyon Part Dieu. Je me suis arrêtée quelques minutes auparavant et j’ai jeté discrètement le sac plastique sur les rives du Rhône.
J’étais heureuse en reprenant le train de me dire que j’avais accompli une nouvelle mission salvatrice pour tant de femmes avilies par ce proxénète des temps modernes dont Maddie. Pourtant je n’ai pratiquement pas dormi sentant mon corps encore tremblant et ne pouvant m’enlever de la tête le visage ensanglanté de Gilbert. Mais surtout ce qui me trouble c’est de me voir pour la première fois dans une violence non-maitrisée, de me voir aussi cruelle, aussi acharnée, barbare voire sauvage.
Je vais devoir tout écrire dans mon journal en rentrant à la maison pour poser des mots sur ce qu’il s’est passé. Il faut que j’arrive à évacuer cette haine et cette impression de ne plus me reconnaitre moi-même.
Là encore je n’ai pas pensé aux conséquences. Ce n’est que le lendemain après-midi, qu’une fois encore la tueuse qui sommeille en moi s’est posé de multiples questions dont la plus prégnante : qui suis-je pour venger les autres ?
Gilbert n’était pas de la même trempe que le père d’Elisa … Mais il fait partie de cette espèce de mammifères mâles qui sont heureux et vivent de la misère et des malheurs des autres. La recherche de la souffrance de l’Autre est leur nourriture terrestre.
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